Le gros coup de cœur du jour : « Les Pépites » de Xavier de Lausanne

Ça commence comme une jolie histoire de famille. Ça commence charmant, chantant, aventure familiale en camping-car à travers le monde. Photos rétros, bouilles souriantes, vidéos vintage. Ça t’explique le parcours de Christian et Marie-France, leur rencontre, leur philosophie de vie, leurs valeurs et leurs envies de voir comment vit l’autre.

Et BAM, ça t’amène les pieds dans la merde de la décharge de Pnom Pen au Cambodge. Et là tu plonges dans les images de l’époque, qui te montrent des gens qui fouillent dans des montagnes d’ordures, qui se mettent à l’arrière des camions-poubelles qui déversent leurs flots de déchets souillés, au risque de se faire ensevelir ou rouler dessus. Et au milieu de ces gens, tu vois de toutes petites silhouettes, frêles. Un nombre incalculable d’enfants, de très jeunes enfants sont là, à travailler comme les adultes dans les ordures. On voit leurs petits pieds nus s’enfoncer dans une bouillasse grise, grouillante de vers. Et on apprend qu’ils sont là, le ventre vide, qu’ils mangent ce qu’ils trouvent dans les sacs éventrés pour ne pas s’écrouler de fatigue. Les gros plans se font sur leurs petits visages ronds, aux grands yeux tristes, inquiets et méfiants. On entend les témoignages de certains de ces enfants devenus grands, qui nous parlent des risques souvent mortels qu’ils prenaient tous les jours, et des découvertes macabres dans les sacs.

Et puis heureusement, on découvre la merveilleuse initiative de ce couple, qui a commencé par nourrir et soigner ces enfants. Et puis qui les ont écoutés. Et tout ce qu’ont demandé ces enfants, c’est un repas par jour, et d’aller à l’école. Rien de plus. Alors le couple a construit une école. Je ne veux pas vous dévoiler tout le documentaire car il faut le voir soi-même pour en prendre toute la dimension. Il faut voir ces grands yeux noirs remplis de défiance et de résignation, ces visages fermés d’enfants d’à peine 8 ans. Il faut les voir soi-même ces grands yeux s’emplir de larmes en évoquant ce qu’était leur vie à la maison, les maltraitances de la part de leurs propres parents, entendre de ses propres oreilles les énormes sanglots de soulagement de cette petite fille qui apprend que le calvaire qu’elle vivait jusque-là est terminé, entendre la voix étranglée de cette autre petite fille qui raconte comment son père la vendait, avec ses sœurs, à un vieux monsieur qui la violait alors qu’elle n’était âgée que de 8 ans.

Et puis voir de ses propres yeux le contraste avec les sourires confiants, les démarches assurées, les rires insouciants des enfants à l’école, propres, nourris, qui apprennent et qui reprennent espoir. Il y a une des jeunes femmes qui résume parfaitement ce qu’ont fait pour eux Christian et Marie-France. Petite, elle leur offre un très joli bouquet qu’elle a fabriqué avec ce qu’elle a pu trouver : des écailles de poisson. Puis elle y joint un petit mot qui dit : « l'écaille de poisson est sale, tout le monde la jette à la poubelle, c'était pareil pour jous.  Papy et Mamy (c'est le nom que donnent tous les enfants à Christian et Marie-France) nous ont sortis de la décharge pour nous transformer en joli bouquet. »

Je ne peux que vous encourager à visionner ce documentaire absolument poignant mais aussi plein d’espoir et qui redonne méchamment foi en l’humanité. En témoignent la façon dont les enfants s'accrochent à Christian et Marie-France, comme ils viennent près d'eux chercher un câlin, qu'ils retiennent leurs mains, petits moments de douceur et d'humble tendresse. C'est poignant, c'est dur, c'est émouvant, c'est magnifique autant que déchirant.

Les pépites, c'est un film qui porte bien son titre.